Dans un arrêt du 28 janvier 2011, le Conseil d’Etat a décidé que le caractère apparent ou non des vices lors de la réception de travaux n’a pas d’incidence sur l’obligation de conseil du maître d’œuvre dans la mesure où il a eu connaissance des vices en cours de chantier. Dès lors, la garantie décennale des constructeurs peut être mise en jeu. Avocats Picovschi vous informe sur la notion de garantie décennale et sur la portée de cet arrêt.
L’article 1792 du Code civil dispose que « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. »
La garantie décennale permet donc de se prémunir des dommages qui surviendraient dans les dix ans suivant la réalisation des travaux.
Dans l’arrêt de 2011, le Conseil d’Etat a considéré qu’il importait peu que les vices aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'œuvre en avait eu connaissance lors de la réalisation du chantier (CE 28 janvier 2011, n° 330693).
A titre préliminaire, il convient de faire la différence entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre. Le maître d’ouvrage est la personne physique ou morale qui fait réaliser les travaux, il en est le commanditaire. Le maître d’œuvre assure quant à lui la conception et le suivi de la stratégie définie pour la réalisation de l’ouvrage.
En l’espèce, un syndicat intercommunal a passé un marché en vue de la réalisation d'un parcours de golf avec un maître d'œuvre. En juin 1990, la réception du parcours de golf a été prononcée avec effet rétroactif au 20 novembre 1989. En 1995, « des désordres affectant les surfaces du parcours de golf recouvertes de gazon et le réseau d’irrigation sont apparus ». La communauté d'agglomération a saisi le tribunal administratif afin de mettre en jeu la responsabilité décennale des constructeurs et la responsabilité contractuelle des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil.
Le tribunal administratif a rejeté les conclusions de la communauté d'agglomération. La cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement et condamné les maîtres d’œuvre à indemniser la collectivité publique pour manquement à leur obligation de conseil.
Les maîtres d'œuvre forment un pourvoi tendant à faire annuler le jugement de la cour administrative d'appel au motif que les désordres n’étaient plus visibles à la date de réception du chantier.
Le Conseil d'Etat énonce : « la responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ; qu'il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'œuvre en avait eu connaissance en cours de chantier ; que, par suite, la cour administrative d'appel pouvait, sans erreur de droit, après avoir relevé dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation et en l'absence de toute dénaturation, que les désordres (…) avaient été identifiés par les maîtres d'œuvre en cours de réalisation du chantier, mettre en jeu leur responsabilité pour défaut de conseil, quand bien même ces désordres n'auraient plus été visibles à la date de la réception en raison du développement de la couverture végétale sur le parcours de golf ».
Ainsi, dès lors que le maître d'œuvre a eu connaissance de désordres, apparents ou non à la date de réception des travaux, et qu'il s'est abstenu d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage, le manquement à son devoir de conseil engage sa responsabilité. En effet, en n’attirant pas l’attention du maître d’ouvrage sur les désordres affectant l’ouvrage, le maître d’œuvre a privé la personne publique commanditaire de sa faculté de refuser la réception de l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves.
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Source : www.legifrance.gouv.fr ; CE 28 janvier 2011, n° 330.693.