Ecrit par : Elodie Coipel, Juriste, Avocats Picovschi
SOMMAIRE
Vendeurs de biens immobiliers, attention aux travaux effectués avant la vente ; vous pourriez être qualifiés de constructeur et vous seriez tenus à certaines garanties, protégeant ainsi l’acquéreur. La Cour de cassation s’est prononcée dans ce sens (Cass. Civ. 3e, 24 janvier 2012 n 11-13.165)
Le cas de l’espèce
- Les faitsMX vendeur d’un bien immobilier avait effectué des travaux : changement des revêtements de sols, mise en œuvre de cloisons de doublage et de faux-plafonds avec incorporation d'isolant au dernier étage, réfection de l'électricité, traitement des joints disloqués des entourages des baies vitrées…
Un expert avait indiqué clairement que les travaux exécutés dans l'immeuble constituaient le fait générateur du développement du champignon présent à l'état latent dans le sol.
La cour d'appel en a déduit que, par leur importance, ces travaux devaient être assimilés à des travaux de construction d'un ouvrage. Elle a condamné MX à indemniser les acquéreurs car le fait générateur du champignon présent à l’état latent dans le sol est les travaux exécutés par MX. Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation.
- La solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette le pourvoi de MX en retenant que « la cour d'appel a pu en déduire que cette propagation, qui avait pour effet d'affecter la solidité d'éléments structurels de l'immeuble, présentait le caractère décennal ». Elle énonce que : « l'obligation de MX d'indemniser les acquéreurs ne trouvait pas son origine dans un diagnostic erroné ou un manquement à une obligation de conseil par la personne chargée du diagnostic, mais dans les travaux qu'il avait lui-même exécutés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ».
Vendeurs réputés constructeur : Le principe
L’article 1792-1 du Code civil énonce : « Est réputé constructeur de l'ouvrage : toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ».En l’espèce, le vendeur MX, de part l’importance des travaux fournis est réputé constructeur.
Il est donc tenu aux garanties des constructeurs.
Les conséquences pour le vendeur : application des garanties biennales et décennales
Le vendeur réputé constructeur est donc tenu aux garanties lorsque les travaux constituent une opération de construction, et ce, qu’il s’agisse de travaux de construction ou de travaux de rénovation.
Ainsi donc, le vendeur assimilé constructeur est tenu à la garantie décennale et la garantie biennale ou de bon fonctionnement. La garantie décennale est encadrée par les articles 1792, 1792-1, 1792-2 du code civil. Elle est due dans deux cas :
- Le vice compromet la solidité de l’ouvrage ou le rend impropre à sa destination
- Le vice affecte un élément d’équipement indissociable de l’ouvrage.
La garantie biennale est régie par l’article 1792-3 du code civil. Cette garantie de deux ans est dite de bon fonctionnement des éléments d’équipement. A titre d’exemple, un interphone ne remplissant pas sa fonction relève de la garantie biennale.
Par ailleurs, la législation sur la garantie décennale et sur la garantie biennale est d’ordre public ; par conséquent, les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilités sont réputées non écrites.
Ainsi donc dans le cas de cet arrêt, MX, de part l’importance des travaux fournis est réputé constructeur. Le fait générateur du champignon présent dans le sol est les trav aux de construction effectués par MX. Ses travaux ont donc entrainé un vice. L’extension de ce champignon a pour effet d'affecter la solidité d'élé ments structurels de l'immeuble. Ce vice présente donc un caractère décennal.
Ce cas n’est pas un cas d’école. En effet certains vendeurs désireux de faciliter la vente de leur bien, entreprennent des travaux de rénovation. Ils peuvent donc être assimilés à des constructeurs et donc tenus aux garanties attachées aux constructeurs. La jurisprudence a aussi considéré que le vendeur-constructeur est aussi tenu à la réparation des dommages intermédiaires, c'est-à-dire les dommages qui n’affectent ni la solidité de l’ouvrage ni sa destination.
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Source : Cass. Civ. 3e, 24 janvier 2012 n 11-13.165
Elodie COIPEL
Juriste
** Ce que l’on nomme, parfois pudiquement, l’aléa judiciaire nous rappelle que la justice humaine diverge parfois de la JUSTICE. Dans ce domaine, plus peut-être que tout autre, la vérité est difficile à mettre à jour. Aussi, ce qui apparait comme évident sur le plan humain ne l’est pas forcément sur le plan juridique faute d’une traduction de la réalité humaine en réalité juridique. Ce décalage constitue le travail et le talent de l’avocat : à lui de le réduire par sa connaissance parfaite du droit et son expérience professionnelle. Le non-initié ne peut en effet pas prétendre y parvenir, il pourra éventuellement réunir les informations mais leur traduction en termes juridiques adéquats fera défaut. **