Ecrit par : Elodie Coipel, Juriste, Avocats Picovschi
SOMMAIRE
Vous êtes agent immobilier, prenez garde à la rédaction du contrat de mandat, vous pourriez voir votre commission vous échapper. La Cour de cassation s’est prononcée sur la notion juridique de perte de chance, permettant à l’agent immobilier ayant subi des préjudices financiers, de percevoir des dommages et intérêts.
Le mandat et la commission de l’agent immobilier
La loi Hoguet du 2 janvier 1970, qui est d’ordre public, précise les conditions dans lesquelles l’agent immobilier peut percevoir sa commission. La condition essentielle est l’existence d’un mandat écrit donné par son client. De plus, ce mandat doit être valide. Il doit être établi en double exemplaire, être antérieur à la vente et être limité dans le temps. Le mandat doit aussi préciser qui de l’acquéreur ou du vendeur a la charge de la commission. Selon l’article 73 du décret d’application de la loi Hoguet, du 20 juillet 1972, le montant de la commission doit être prévu au mandat.Par ailleurs, la commission est due une fois l’opération réalisée.
S’agissant de l’arrêt de la Cour de cassation, l’origine du litige est que le montant de la commission n’était pas expressément fixé dans le mandat.
Les faits de l’arrêt :
Des vendeurs ont confié un mandat non exclusif à un agent immobilier. Le mandat ne chiffrait pas la commission à la charge de l’acquéreur. Il était indiqué que la commission était fixée selon « barème de l'agence ». L’agent immobilier réclame sa commission.La cour d’appel ne donne pas raison à l’agent immobilier, le mandat stipulant de manière maladroite que « la commission était fixée selon le barème de l’agence », alors qu’il résulte de l’article 73 du décret du 20 juillet 1972 d’application de la loi « Hoguet » du 2 janvier 1970, qui est d’ordre public, que le montant de la rémunération ou de la commission est porté dans l’engagement des parties.
La cour d’appel s’est fondée sur les comportements fautifs des vendeurs et de l’acquéreur qui ont fait perdre à l’agent immobilier, une chance de percevoir sa commission. L’agent immobilier a donc subi des préjudices financiers. L a cour d’appel lui a octroyé des dommages et intérêts.
La solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. Elle énonce que « seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, de sorte que l'agent immobilier, qui ne pouvait prétendre au versement d'une commission que le mandat n'avait pas régulièrement fixée, n'avait pas subi de perte de chance d'en recevoir le paiement ».Ce qui ressort de cet arrêt est que l’on ne peut perdre ce que l’on n’a pas.
Agents immobiliers, prenez garde lors de la rédaction du mandat, vous pourriez vous retrouver privés de votre commission. Si l’une des conditions de validité n’est pas remplie, le mandat est nul et vous ne pouvez prétendre à votre commission. Au regard de cet arrêt, vous ne pouvez vous fonder sur la notion de perte de chance, puisque, on ne peut perdre ce que l’on n’a pas.
L’avocat compétent en Droit immobilier saura vous conseiller lors de la rédaction du mandat et vous assister en cas de contentieux, afin de vous éviter des préjudices financiers.
Source : Civ. 1re, 8 mars 2012, n° 11-14.234
** Ce que l'on nomme, parfois pudiquement, l'aléa judiciaire nous rappelle que la justice humaine diverge parfois de la JUSTICE. Dans ce domaine, plus peut-être que tout autre, la vérité est difficile à mettre à jour. Aussi, ce qui apparait comme évident sur le plan humain ne l'est pas forcément sur le plan juridique faute d'une traduction de la réalité humaine en réalité juridique. Ce décalage constitue le travail et le talent de l'avocat : à lui de le réduire par sa connaissance parfaite du droit et son expérience professionnelle. Le non-initié ne peut en effet pas prétendre y parvenir, il pourra éventuellement réunir les informations mais leur traduction en termes juridiques adéquats fera défaut. **