Ecrit par : Astrid DELPIERRE, Juriste, Avocats Picovschi
SOMMAIRE
Le marché à forfait est un contrat de louage d’ouvrage avec un prix ferme, définitif et global selon l’article 1793 du Code civil. Le prix doit donc être fixé précisément ainsi que la prestation à accomplir et un écrit est indispensable pour le prouver en cas de contentieux entre l’entrepreneur qui veut obtenir un supplément de prix pour des travaux qui lui incombent normalement.
L’avocat sera l’assistant nécessaire et indispensable pour aborder ce type de contentieux porté devant le Tribunal de Grande Instance.
Pour que le marché à forfait soit applicable, plusieurs conditions doivent être remplies
- Un contrat passé entre le maître de l’ouvrage propriétaire du sol et l’entrepreneur.
- Un bâtiment c’est-à-dire l’édification d’une construction sur le sol et non des travaux d’entretien, d’aménagement ou de rénovation.
- Un prix définitif et global
- Un plan arrêté et convenu (plan de la construction et cahier des charges).
L’intérêt de ce contrat est que tous les travaux supplémentaires non prévus dans le cahier des charges mais nécessaires à la réalisation du contrat sont supportés par l’entreprise, que ces travaux proviennent de l’erreur de l’entreprise ou d’une cause extérieure.
En effet, le marché à forfait représente un prix global et si le prix est inexact ou économiquement déséquilibré, il doit être respecté. De même, l’erreur de calcul commise par l’entrepreneur ne permet pas de modifier le prix à la hausse et le maître de l’ouvrage ne peut pas contester le montant du marché dès lors que les travaux ont été réalisés conformément au plan arrêté et convenu.
En revanche, pour les travaux supplémentaires non nécessaires à la réalisation de l’objet initial, il faut que le maître de l’ouvrage y consente pour qu’il doive les payer car ce sont des travaux hors forfait. L’entreprise doit alors prouver que le maître de l’ouvrage a demandé ces travaux ou y a consenti volontairement.
Formalisme
En droit commun l’entrepreneur peut prouver par tout moyen qu’il y a un accord sur les nouveaux travaux. Le juge tranchera sur le caractère indispensable des travaux ou non.
En revanche, l’article 1793 du Code civil impose un écrit par lequel le maître de l’ouvrage autorise les travaux supplémentaires et convient du prix avec l’entrepreneur.
L’écrit est souvent exigé par le contrat lui-même à travers une clause. Il est subordonné à un bon de commande accepté par le maître de l’ouvrage.
Les travaux supplémentaires non autorisés par écrit par le maître de l’ouvrage restent à la charge de l’entrepreneur même s’ils résultent d’un aléa prévisible ou d’un changement de normes.
Par exception, lorsque les travaux supplémentaires entraînent un bouleversement économique du contrat la jurisprudence considère qu’on sort du forfait pour ces travaux. Ce sont des travaux hors forfait qui peuvent faire l’objet de facturation supplémentaire auprès du maître de l’ouvrage sans écrit nécessaire.
Exemples jurisprudentiels
Les modifications apportées en cours de travaux d’une importance telle qu’elles rendent la nature de l’ouvrage et son coût totalement différent de ce qui était prévu au contrat.
Le propriétaire décide de construire sur un autre terrain, il y a donc bouleversement économique et prix supplémentaire payé par le maître de l’ouvrage.
Le propriétaire veut ajouter une cave. Il y a bouleversement mais paiement par le maître de l’ouvrage.
Le propriétaire veut augmenter de 20 m² la surface de l’ouvrage. Ici on maintient le forfait pour les travaux prévus mais les travaux supplémentaires sont payés par le maître de l’ouvrage s’il y a bouleversement. En revanche, si les travaux supplémentaires ont été prévus sans bouleversement, le supplément est à la charge de l’entrepreneur.
L’article 1793 Code civil exige un écrit préalable aux travaux. Toutefois, l’accord du maître de l’ouvrage peut être donné postérieurement à l’exécution des travaux par la ratification s’il n’y a pas d’écrit préalable.
NB : certains entrepreneurs ont voulu plaider l’enrichissement sans cause ce qui a été rejeté car l’enrichissement est causé par le forfait qui est un contrat aléatoire. L’entrepreneur accepte à travers le contrat, l’aléa.
Les cas de résiliation unilatérale
L’article 1794 du Code civil régit la résiliation unilatérale dans le cadre du marché à forfait. Cet article ne subordonne toutefois pas le droit de résiliation à la faute. En effet, il est possible de résilier sans prouver de faute et pour cela, peu importe que la construction soit un immeuble bâti ou non contrairement à 1793.
La jurisprudence admet rarement l’exercice de ce droit lorsque les travaux sont presque terminés
Ce droit n’appartient qu’au maître de l’ouvrage. Par conséquent, l’entrepreneur ne peut résilier le contrat qu’avec le sous-traitant.
L’avocat interviendra donc à l’initiative du maître de l’ouvrage voulant résilier le contrat, ou pour faire valoir son droit à ne pas payer l’excédent du prix lors du contentieux, qui tendra à déterminer à qui incombe le paiement du supplément.