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La défiscalisation immobilière : à quel prix ?

| Publié le 28/04/2011

A l’heure où les lois sur la défiscalisation immobilière pullulent, une question se tient au centre des préoccupations.

Quels sont les dangers réels de telles opérations?

Probablement votées afin de limiter l’évasion fiscale vers l’étranger, ces lois ont pour vocation d’inciter, par des réductions d’impôts souvent conséquentes, l’investisseur lambda à investir en France.

Leur succès est cependant menacé par des scandales qui parfois, accompagnent leur application.

En effet, jusqu’alors, la tentation était grande de succomber aux parfums alléchants de montages fiscaux très avantageux. Mais récemment un sentiment de doute et de méfiance a commencé à planer sur les opérations immobilières de défiscalisation. Cette méfiance est notamment due à la multiplication de situations dramatiques dans lesquelles se sont retrouvées de nombreuses personnes - parfois naïves, parfois tentées, parfois abusées - séduites par le bagou d‘escrocs immobiliers.

Malgré le fait que ces mécanismes soient vantés dans nombre de magazines immobiliers spécialisés, il faut donc rester vigilant et se méfier.

Mais comment tombe-t-on dans le piège de ces opérations et surtout que promettent-t-elles ?  

Tous les textes de loi votés pour relancer, redynamiser, et développer les investissements immobiliers sont réunis sous le terme générique de lois sur la défiscalisation. Ces placements, malgré leur mauvaise réputation, peuvent quand ils sont bien réalisés, être effectivement intéressants.

Il existe de nombreux textes de lois qui permettent un traitement fiscal favorable : les lois Besson, la loi de Robien, la loi Demessine, la loi Scellier, etc. Il s’agit, dans la mamajorité des cas, d’acquérir un bien, neuf ou ancien, construit ou non et de l’affecter à une activité particulière (location à titre d’habitation principale, à des fins de tourisme, location destinées à des logements pour handicapés ou des personnes âgées, etc.).

Il devra toutefois être noté que les investisseurs intéressés devront parier sur le long terme, vu la durée imposée d’investissement qui varie entre 6 à 15 ans.

Mais pourquoi ces régimes sont-ils si alléchants ? Prenons l’exemple de la loi Scellier et décortiquons brièvement les avantages et inconvénients que ce moyen de défiscalisation présente.

Les conditions qui permettent de profiter des bénéfices de la loi Scellier (qui est issue de la réforme de la loi de Robien et qui a été mise en place à l’occasion de la réforme de la loi de finance 2009) ne semblent pas considérablement exigeantes, mais dans les faits, il n’est pas toujours facile de les respecter. 

En effet, pour bénéficier de la réduction d’impôts qui constitue l’essence même de la loi, il faudra acquérir entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2012 un logement neuf ou en l’état futur d’achèvement, destiné spécifiquement à la location.

Mais ce n’est pas tout. Il n’est possible de bénéficier de la défiscalisation qu’à condition de louer le bien pour un bail d’habitation principal de minimum neuf ans.  L’engagement de location doit prendre effet dans les 12 mois de la date d’achèvement du bien et les loyers ne doivent toutefois pas excéder un certain plafond qui est fixé à 300 000 euros.

Il ne s’agit par contre plus d’une diminution du revenu imposable comme le prévoyait la loi Robien, mais bien d’une véritable réduction d’impôt pouvant aller jusqu’à 25% en 2010, 15% en 2011, et 10% en 2012 et qui s’étale sur neuf ans et est reportable.

Cependant, attention ! La loi Scellier est à distinguer de la loi Scellier Sociale dont les conditions sont quelque peu différentes, et par le biais de laquelle la réduction d’impôt peut atteindre 37%.

Mais revenons de manière plus pragmatique sur l’application concrète du mécanisme : trouver un locateur pour un bail d’habitation principal de minimum neuf ans n’est pas toujours chose aisée et il arrive en effet très souvent que les biens immobiliers concernés aient été construits dans des zones quasi « sinistrées », par des promoteurs immobiliers peu scrupuleux. Cela rend évidemment la location du bien pour plus d’un an, si pas impossible, extrêmement difficile. Encore une fois, les personnes intéressées par ces mécanismes sont très rarement des professionnels de l’immobilier capables d’évaluer la valeur et l’attrait locatif d’un bien !  

Or, si les conditions ne sont pas remplies, il est impossible de bénéficier des avantages offerts par la loi Scellier.

Mais un des atouts majeurs de la loi se trouve toutefois dans une autre disposition.  

En effet, il est désormais possible, dans le cadre de la loi Scellier, d’emprunter sans intérêt et à taux zéro sur une période pouvant aller jusqu’à 30 ans  (à certaines conditions bien précises évidemment) !

Ainsi, si la défiscalisation immobilière connait un grand succès, c’est parce qu’elle semble permettre à tout un chacun de devenir propriétaire sans débourser d’argent. En effet, théoriquement, il « suffirait » d’emprunter auprès de banques la somme désirée, et de rembourser cet emprunt au moyen des fruits recueillis par le biais de la location.

La difficulté dans ce genre de situation se trouve dans la multiplicité des acteurs. Il y a en effet un nombre important de professionnels qui tout au long de l’opération sont en principe tenus par des obligations d’information et de conseil propres à leur profession, mais qui hélas, n’ont pas toujours le comportement requis par la loi et les usages.

Une situation typique pourrait être représentée par l’enchaînement suivant :

Des agences immobilières, ou sous le couvert de ce titre, ne vont pas hésiter à contacter des particuliers en leur proposant l’achat de maisons ou d’immeubles destinés à la location, et en leur assurant qu’à la fin de l’opération, une plus-value conséquente aura été amassée grâce à l’évolution positive de la valeur du bien. Les réductions d’impôts qui sont finalement le but même de la manœuvre, achèvent de rendre la proposition irrésistible.

Le promoteur immobilier se sera, lui, chargé en amont de produire la perle rare en question.

C’est là qu’entrent en scène les banques auprès desquelles les investisseurs iront chercher les fonds nécessaires. Celles-ci accepteront alors, ou non, de prêter les sommes demandées et qui sont, sensées être remboursées chaque mois au moyen des futurs loyers dont une évaluation a été donnée par le promoteur immobilier.

Le notaire conclura enfin l’acquisition du ou des biens par la signature de l’acte authentique de vente.

L’opération parait simple et sécurisante, entourée de l’expertise apportée par tous les professionnels qui jalonnent ces différentes étapes. Cependant le rêve peut vite tourner au cauchemar.

Très souvent, les biens immobiliers sont surévalués, les prêts à rembourser considérables, et le loyer sensé aidé au remboursement suffit rarement à couvrir les mensualités exigées.

Pour que l’opération soit un succès, deux conditions, hélas aléatoires, doivent être remplies : la location du bien (à un locataire solvable de préférence…) au loyer souhaité et l’évolution favorable du marché immobilier.

On est évidement très tenté de faire une analogie avec le phénomène des « sub-prime » américain. Là également, des prêteurs, banques ou organismes de crédit, ont consenti des crédits immobiliers bien au-delà des capacités de remboursement des emprunteurs.  

Ces créanciers jouaient en principe sur du velours en garantissant quasi doublement leurs prêts. Non seulement l’évolution du marché immobilier devait leur assurer un remboursement aisé en cas de défaut du débiteur mais, de plus, ils constituaient avec ces créances douteuses des instruments financiers d’investissement complexes vendus sur les marchés obligataires du monde entier.

Si le marché immobilier chute et/ou si une crise restreint le marché de la location c’est la catastrophe. Ces deux éventualités se sont, hélas, concrétisées en 2008.

C’est pourquoi, lors de grosses opérations comme celle proposée par la défiscalisation immobilière, il vaut toujours mieux s’en remettre à un professionnel sérieux, apte à prévenir toute surprise désagréable.  

Sophie Szpalski
Juriste

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