Ecrit par : Pauline LEBON, Juriste, Avocats Picovschi
SOMMAIRE
Vous souhaitiez vendre un bien, la commune souhaitait préempter et vous avez changé d’avis ? Quel est l’impact de la rétractation de la promesse de vente ? La commune peut-elle vous forcer à vendre ? Telles sont les questions que les juges de la Cour de cassation ont dû se poser récemment. Leur solution est exposée dans l’arrêt rendu le 17 septembre 2014.
Les faits de l’affaire : promesse de vente et préemption
Le propriétaire d’une maison individuelle avait signé une promesse de vente au profit d’une société civile professionnelle qui se portait acquéreur. Étant donné que le bien était situé dans une zone urbaine soumise au droit de préemption, le notaire a notifié à la Mairie une déclaration d’intention d’aliéner.
Effectivement, dans les zones soumises au droit de préemption urbain, cette déclaration est obligatoire et a pour but d’informer la Commune de l’intention qu’a le propriétaire de vendre son bien afin que la Commune puisse décider de l’acheter en priorité si elle le souhaite (afin de poursuivre un but d’intérêt général).
Ne souhaitant plus vendre, le propriétaire a rétracté sa promesse et la Commune a fait savoir le lendemain qu’elle souhaitait préempter.
La commune a alors assigné le propriétaire en justice dans le but d’obtenir la réalisation forcée de la vente !
La question que les juges ont dû se poser était alors la suivante : La rétractation de la promesse de vente empêche-t-elle la commune de pouvoir exiger la réalisation de la vente ? La rétractation a-t-elle eu lieu avant ou après la décision de préemption ?L’enchaînement des évènements : quelles dates prendre en compte ?
La commune invoquait le fait qu'en matière de préemption, la vente est parfaite à la date à laquelle elle avait adressé au propriétaire sa lettre par laquelle elle fait connaître sa décision de préempter dès lors qu'à cette date, elle n'avait été saisie d'aucune rétractation.
Les dates auxquelles les différentes volontés se sont exprimées ont donc une importance capitale en l’espèce !
En effet, les propriétaires ont posté leur lettre de rétractation puis, le lendemain, la commune a posté la lettre notifiant son intention de préempter et le jour suivant, elle a reçu la lettre l’informant de la rétractation des propriétaires. Faut-il prendre en compte le jour où la lettre est postée ou le jour où la lettre est reçue ?
Les juges administratifs ont reconnu la validité de l’exercice du droit de préemption exercé par la Mairie. Sachez toutefois qu’il est toujours possible de contester la validité de l’exercice du droit de préemption par l’autorité administrative ! L’avocat est là pour vous guider.
La décision de préemption doit impérativement être motivée : la commune doit justifier l’exercice de ce droit par la réalisation d’une opération d’intérêt général. Par la suite, vous avez également un droit de regard sur ce qu’a réellement fait la commune. Si le bien a été acquis il y a moins de cinq ans et que vous constatez que la commune n’a pas réalisé les opérations par lesquelles elle justifiait l’exercice de son droit, vous pouvez exercer le droit de rétrocession.
De plus, ce n’est pas parce que l’exercice du droit de préemption est valable que la commune pouvait forcer la vente. Effectivement, les juges de la Cour de cassation ont relevé que la lettre évoquant la rétractation avait été postée et que c’est seulement le lendemain que la commune a envoyé sa lettre informant son intention de préempter. Peu importe que la commune n’ait reçu la lettre de rétractation qu’après avoir envoyé sa lettre de préemption !
En somme, la commune ne peut pas obtenir la réalisation forcée de la vente, car la déclaration d’intention d’aliéner ne constitue qu’une simple offre de vente qui peut être résiliée unilatéralement tant que la commune n’a pas préempté ! Gare aux délais malgré tout !